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Channel: Chronique de Vanf – L'Express de Madagascar
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Nouvelles de Madagascar

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Quand on me demande des nouvelles du pays, je ne sais plus que répondre. La peste ? Hier, j’ai vu un couple d’expatriés, se promenant tranquillement à Isoraka, avec leur bébé à l’air libre : il est vrai qu’il n’y a guère qu’Air Seychelles qui ait suspendu ses vols vers Madagascar ; que l’opposition mauricienne qui veuille instaurer un principe de précaution ; que les syndicats des navigants d’Air France qui aient fait mine de s’inquiéter. Dans les agences bancaires, les numéros d’appel s’égrènent du matin au soir sans que les clients aient l’air de craindre particulièrement la promiscuité dans la file d’attente. Les temples et les églises ne désemplissent jamais : je suppose que les croyants préfèrent leur foi en la sainte écriture de Dieu et au saint prêche du pasteur plutôt que les recommandations du ministre de la santé et les indications antibiotiques.
Bien sûr, il y a cette comptabilité macabre dont la population semble avoir simplement pris l’habitude, passé le scandale des premiers temps d’opacité dans la communicaton gouvernementale. La presse se fait, de temps en temps, écho de comportements archaïques : un cadavre infecté que la famille aurait exhumé de sa chape de béton pour le trimbaler depuis le Nord-Est du pays dans le but inavouable de le convoyer vers le tombeau ancestral dans le Sud-Est : les limiers qui montent la garde le long de nos routes nationales, pas plus qu’ils ne savent reconnaître un bus de 90 places avec 140 passagers à bord, pas plus qu’ils ne savent arrêter un semi-remorque qui va faire plier un pont sous sa surcharge aux essieux, oublient consciencieusement de contrôler chaque cercueil que les taxis-brousse transbahutent d’un bout à l’autre du pays, au prétexte de «fasan-drazana».
Ou encore cette famille, en milieu urbain tananarivien pourtant, qui s’oppose à l’inhumation d’office en fosse commune d’une proche décédée de la maladie. Les forces de l’ordre ont dû intervenir. Mais, policiers et gendarmes ne peuvent raisonnablement pas monter la garde devant chaque cadavre : quelque part, l’éducation aura failli. Je me demande si la société ne devrait pas sévir : quoi de pire qu’un bannissement social héréditaire dans ce pays ?
Quelles sont les causes de cet endémisme trop contemporain d’une maladie moyenâgeuse ? Bien sûr, cette saleté qui s’est installée dans les moeurs, et particulièrement honteuse dans nos rues. Ce sont les hommes qui ne ramassent pas les ordures, mais ce sont les rats qu’on incrimine. Comme dit, pourtant, un sage proverbe : on ne peut pas demander au sanglier de ne pas se comporter en porc. Par contre, on peut raisonnablement supposer un comportement humain poliçable, perfectible, civilisable.
Les rats, me raconte-t-on, s’infiltrent également dans nos tombeaux. Supposons un cadavre pestiféré enterré là en catimini par une famille sourde et aveugle aux prescriptions sanitaires. Une fois de plus, un comportement humain répréhensible aurait contaminé d’innocents rongeurs qui suivent simplement leur nature. Et quand ce ne sont pas les rats, supposons des pilleurs de tombe en quête de nos sacro-saints «taolam-balo» : ces criminels, outre le viol de sépulture, sont également passibles de recel de peste.
Alors, des nouvelles du pays ? Aucune nouvelle encore d’une éventuelle loi de rétablissement de la peine de mort contre, outre les crimes abominables (kidnapping, viol, torture, mutilation, meurtre) qui fleurissent à la rubrique des faits divers, les recels divers et variés des bactéries qui peuvent génocider une société. Aucune avancée perceptible sur le front du changement de mentalité : renoncer purement et simplement à la coutume de l’inhumation et lui préférer l’incinération dans les règles modernes de l’art. Sinon, revenir à l’ancienne pratique oubliée de la tombe individuelle, avant la création de ces «fasan-drazana» où s’entassent plusieurs générations : «velona iray trano, maty iray fasana», cohabitant dans la maison des vivants, à jamais côte-à-côte dans la dernière demeure des morts. Les tombes familiales s’ouvrent dangereusement une fois de trop, risquant de ressusciter quelque maladie fantôme. Ce n’est pas demain non plus que tant de familles renonceront au sacro-saint «famadihana», la coutume des deuxièmes funérailles comme disent les anthropologues. Elle nous vient de l’Asie du Sud-Est, mais l’austronésophile que je suis n’y souscrit pas : laissons les «Razana» dormir en paix, et veillons plutôt à ne pas suicider les «Zanaka».

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 


Épilogue en guise d’épitaphe et point trop de superlatifs

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Une certaine décence commandait de s’abstenir de commentaires imprudents, et impudents, pendant la semaine proclamée de «deuil national» qui accompagne le décès d’un ancien Président, élu, de la République. Comme disait le général Gallieni, à l’inhumation du Premier Ministre Rainilaiarivony, vieil ennemi de la France, au Fasan-dRainiharo familial en 1900, «on ne se dispute pas avec les morts».
Cette Chronique n’a jamais été une littérature de superlatifs. En ces colonnes, depuis bientôt un quart de siècle, la force du dithyrambe l’a toujours cédé à la relativité de la mesure. Faisant écho à un vieux discours qu’on aura loisir de disséquer en son temps, cette Chronique a fait sien un cri de dépit, à la fois reproche d’incompréhension, supplique de reconnaissance et nomination dans l’ordre improbable des contempteurs : «Mes Aristarques, mes Amis».
Le «best of» des pages de l’histoire de l’Humanité aura retenu le nom de deux Artistarque.  D’abord, l’astronome de Samothrace (310-230 BC) dont la théorie, méconnue, annonçait les hypothèses, pas très catholiques mais absolument scientifiques, de Copernic (1473-1543) et Galilée (1564-1642), dix-huit siècles après : oui, c’est bien la Terre qui gravite autour du Soleil, et non l’astre ultime qui circumambule autour de son satellite, n’en déplaise au dogme ecclésiastique d’une époque de tant d’obscurantismes. Le second Aristarque fut le grammarien de Samolhemce (222-150 BC) qui annota, corrigea, commenta, les textes de maîtres comme Aristophane pour dégager des règles générales. C’est son nom qui passera à la postérité comme générique du CRITIQUE éclairé, bien longtemps avant qu’on accole le même épithète à celui de DESPOTE. J’incurve la ligne droite de ce rébus vers l’angle d’un troisième point qui est celui d’une synthèse toute personnelle : l’audace d’une idée iconoclaste chez le premier, l’effronterie d’annoter un Maître chez l’autre, discernement et remise en cause chez les deux.
De tous temps, en chaque pays, et sans qu’aucune monarchie, république ou dictature, y échappe, on a toujours compté des courtisans autrement plus royalistes que le roi lui-même : des «sarotiny alohan’ny tompony» qui usurpent les épithètes, convoquent les mots et font marcher au pas les paragraphes, dans un défilé d’éloges familiaux et partisans que le devoir de mémoire et le droit d’inventaire doivent refuser d’adouber en épopée nationale.
Il ne faudrait pas qu’une semaine de «Silence est d’Or» puisse devenir prétexte à réécrire l’histoire. La période 1993-1996, que j’avais pu qualifier, en son temps, c’est-à-dire en direct, de «parenthèse», ne doit pas passer à la postérité autrement que ce qu’elle fut vraiment. Elle avait commencé par le malentendu du défilé sanglant du 10 août 1991 : faut-il mettre à l’index les défenseurs d’un palais d’État ou pointer du doigt ceux qui ont envoyé la foule au-devant de la garde présidentielle ? Elle se sera conclue dans le quiproquo de l’empêchement de juillet 1996. Et ne feignons pas d’oublier le «bordel» des invectives publiques entre le Président de la République et le Premier Ministre «parlementaire» (qui, lui, tenait à cet adjectif jusque sur sa carte de visite) qu’il avait fallu «régler» par le référendum constitutionnel du 17 septembre 1995, bannissant (déjà) les velleités moins présidentialistes de 1992.
La démocratie, donc, mais laquelle. Et comment pourrait-elle avoir un «Père» si, vingt-cinq ans après sa proclamation, elle n’existe toujours que dans les textes et nos incantations. Ne faisons pas dire aux mots, à l’encre des émotions rétrospectives et sous la dictée des revirements rétroactifs, autrement que ce que les générations futures devraient retenir dans leurs manuels d’histoire : 1993-1996, ne fit sans doute pas bien pire, mais 1993-1996 ne fit guère beaucoup mieux.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

23 octobre 1817 – 23 octobre 2017

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23 octobre 1817 – 23 octobre 2017 : voilà 200 ans, Madagascar émergeait, en même temps que ses représentants émargeaient, sur la scène diplomatique internationale. Bien sûr, la France par exemple, au nom de ses improbables «droits historiques», refusera longtemps de reconnaître ce fait accompli diplomatique jusqu’au traité de protectorat, du 17 décembre 1885. En son article 12, la juridiction ancienne sur l’île de la monarchie d’Antananarivo s’y retrouve implicite : «Sa Majesté la Reine de Madagascar continuera, COMME PAR LE PASSÉ, de présider à l’administration intérieure de toute l’île».
Son Altesse Royale Princesse de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, fille de la reine d’Angleterre, se retrouve à Madagascar pour marquer ce bicentenaire. Après le symbole de la réouverture d’une ambassade malgache à Londres, c’est donc la cathédrale anglicane d’Ambohimanoro, fondée en 1889, qui accueillera un culte qui y sera dédié. L’archevêque de Canterbury, primat anglican et chef spirituel de 80 millions d’anglicans de par le monde, était déjà venu le 23 novembre 1965. Fille et représentante du Chef de l’église anglicane, la Princesse Anne ne verra pas Ambatoharanana : avec ses vieilles pierres, son micro-climat ombrageux, cette enclave anglicane de l’Avaradrano a pourtant quelque chose de «so british»…
Le bicentenaire du traité de 1817 ne doit pas oublier Robert Townsend Farquhar (14 octobre 1776 – 16 mars 1830). En devenant Gouverneur de l’île Maurice, le 4 décembre 1810, il allait également changer le cours de l’histoire de Madagascar en choisissant d’apporter son soutien à Radama, qui venait de succéder à son père Andria­nampoinimerina, décédé cette même année 1810.
D’abord, Farquhar manda Barthélémy Huet de Froberville (1761-1835) pour étudier Madagascar (les documents en sont conservés au British Museum). En 1816, Bibye Lesage (Londres 1780 – Port-Louis 1843) vint à Madagascar sur ses ordres. Un ancien Traitant, Chardenaux, fit également le voyage d’Antananarivo et revint à l’île Maurice accompagné des jeunes frères de Radama, les jumeaux Rahovy et Ratafika, le 10 septembre 1816. James Hastie (Irlande, 1786 – Antananarivo 1826), ancien sergent des armées britanniques, leur sera adjoint comme précepteur avant d’être nommé agent du Gouverneur de Maurice auprès de Radama.
C’est James Hastie qui négocia avec Radama et ses conseillers les termes du traité qui fut signé le 23 octobre 1817. L’ancien directeur des archives nationales de Madagascar, Jean Valette, évoque «Le traité conclu entre Radama 1er et Lesage le 4 février 1817» (Revue française d’histoire d’outre-mer, année 1974, volume 61, n°225, pp. 572-578). Mais, c’est bien le traité d’octobre 1817 qui conféra le titre de «Roi de Madagascar» à Radama : «reconnaissance juridique par une grande puissance d’un état de chose encore assez théorique», dira Jean Valette («Études sur le règne de Radama 1er», Imprimerie Nationale, 1962, p.11).
Un traité additionnel de 1820 permit à de jeunes gens malgaches, lointains prédécesseurs des boursiers «Chevening Scholarship», d’aller étudier en Angleterre. Ainsi, partit en 1821 le groupe conduit par le prince Ratefinanahary et son secrétaire antemoro Andriamahazonoro. Parmi les boursiers se trouvaient les jumeaux Rahaniraka et Raombana, qui reviendront au pays en 1829 pour exercer à la Cour de la reine Ranavalona.
Radama aura tourné le dos, le 28 juillet 1828. Farquhar avait déjà définitivement quitté l’île Maurice le 20 mai 1823. James Hastie mourut en terre malgache le 18 octobre 1826. La carrière malgache de James Cameron, missionnaire-artisan de la London Missionary Society, symbolise d’autres engagements britanniques, moins spectaculaires mais tout aussi fondateurs : né le 6 janvier 1800, en Écosse, James Cameron arriva à Antananarivo, le 6 septembre 1826 pour en partir le 18 juin 1835, après la proclamation de l’édit de Ranavalona interdisant le christianisme, le 1er mars 1835. Mais, il reviendra, le 7 septembre 1863,  vivre à Antananarivo jusqu’à sa mort, le 3 octobre 1875.
Sans la rencontre des deux volontés de Farquhar et de Radama, les missionnaires David Jones et David Griffiths, le soldat James Hastie et le bâtisseur James Cameron, n’auraient pas pu contribuer à la grande oeuvre fondatrice d’il y a 200 ans : la fixation de la langue, gravée dans la Bible en malgache (1835) et l’exception diplomatique malgache, «un État comme vous l’étiez avant», comme reconnut enfin le général de Gaulle, le 22 août 1958, à Mahamasina.

Nasolo Valiavo Andriamihaja

L’humilité n’est pas son fort

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«L’humilité n’a jamais été mon fort» confesse Raymond Ranjeva. Mais, le «sachant» Raymond Ranjeva fut d’abord un apprenant. C’est donc avec un respect affectueux qu’il évoque ses «Maîtres», éclectiques et oecuméniques.
Il cite volontiers Prosper Rajaobelina (1913-1975), le protestant, auteur des «Lahatsoratra Voafantina» (1948), ou encore de «Lala sy Noro» (1952), dont je me souviens avoir lu en classes primaires, un quart de siècle après sa première édition ; et Siméon Rajaona (1926-2013), le catholique, auteur des «Takelaka Notsongaina» (1961 et 1963) que je consulte toujours régulièrement, presque soixante ans après leur imprimatur. Oeuvres devenues des classiques, certes, mais l’éternité de ces deux auteurs souligne dangereusement l’absence de relève. Aussi, quand Raymond Ranjeva voit «l’Académie malgache en continuatrice de l’oeuvre du Firaketana», je constate surtout que ce dictionnaire encyclopédique, lancé par le pasteur Ravelojona et Gabriel Rajaonah en 1937, s’est définitivement arrêté à la lettre «L», les documents qui pourraient servir à l’achever restant dispersés entre les familles respectives des deux fondateurs.
Si le mouvement nationaliste Vy-Vato-Sakelika (VVS) avait été décapité en 1916. Raymond Ranjeva voit cependant dans la démarche Firaketana la continuation de ce même nationalisme. Notons qu’il fut surtout protestant, le pasteur Ravelojaona (1879-1956) ayant même été à la tête du temple tananarivien d’Ambohitantely cinquante ans durant.
Parmi les catholiques, une certaine nostalgie sourde au souvenir de Dama-Ntsoha, «nitaiza anay». Celui, qui fut d’abord prêtre jésuite avant de quitter les ordres, aimait réunir les jeunes à son domicile d’Ambanidia, faisant cotiser «ariary efatra» la séance. Jean-Baptiste Razafintsalama, qui fut curé d’Ambohimitsimbina, alias Damantsoha (1885-1963), aurait-il pu être condisciple de l’autre jésuite Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)   Ce petit cercle informel chez Damantsoha, lui-même auteur prolifique, mais pas toujours compris, de quantité d’ouvrages, plus intuitifs que scientifiques, sur un fond bouddhique dans la civilisation malgache ainsi qu’une étymologie sanscrite dans la langue, aura donc été une sorte de première académie.
Catholique encore, Joseph Rabetrano, fils d’un catéchiste dans cette partie Nord de l’Imerina dont les jésuites (Malzac, Delbosc, Fabre) firent une terre de prédilection, dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Devant la révolte Menalamba, Joseph Rabetrano et les campagnards catholiques durent fuir Ambatomainty et Anjozorofady en direction d’Ambohibemasoandro. Quarante ans plus tard, au collège Saint-Michel, il racontera à Jacques Tiersonnier comment Jacques Berthieu avait cédé son cheval à un jeune trop fatigué pour marcher ; il revit le prêtre le lendemain, et celui-ci avait déjà le visage en sang. De Joseph Rabetrano, Raymond Ranjeva dit «nitaiza an’i Dada». Enseignant au Collège Saint-Michel dans les années 1910, Joseph Rabetrano fut le traducteur attitré des pièces (Le Bourgeois gentilhomme, Le roi des oubliettes, Renaud de Sidon) que les Anciens du Collège donnèrent régulièrement en malgache.
Les maîtres de nos maîtres ne sont-ils pas un peu aussi nos maîtres   Parmi les jésuites de ce territoire Mandiavato-Zanakandrianato, du Nord de l’Imerina, la figure de Jacques Berthieu est incontournable. Né en 1838, Jacques Berthieu arriva à Madagascar en 1875, et fut affecté au Nord de l’Imerina, territoire Mandiavato, en 1891, il y exercera jusqu’à son assassinat par les Menalamba en 1896, à Ambiatibe. Un autre, François Callet, plutôt que d’y laisser sa trace, marquera l’histoire de l’empreinte de son Tantara ny Andriana. Le «père Callet» est arrivé à Tananarive en 1864, nommé par la reine Rasoherina précepteur du prince Ratahiry, il réussit à publier le premier volume des Tantara ny Andriana dès 1873. Malheureusement, son grand dessein d’un dictionnaire de la langue malgache, dont les premières pages parurent en 1882, restera à jamais inachevé, le dictionnaire, qu’en firent ses collègues Abinal et Malzac restant manifestement en deçà, selon le témoignage d’un autre jésuite, Adrien Boudou. Damantsoha, lui dédiant son livre «Histoire politique et religieuse des Malgaches» (1960), écrit que «Callet fut l’écho très pur d’un passé qui n’était pas celui de sa race» .
Élu à la tête de l’Académie malgache, sa deuxième marche académicienne pour ainsi dire après le cénacle Damantsoha, Raymond Ranjeva n’est pas peu fier de souligner qu’il est le premier andriana et le premier catholique élu à cette fonction. Mystérieux, il évoque sa filiation avec Radama II qui aurait donc réellement survécu en 1863… Un pèlerinage au «fasana tsy very hasina» de Morafenobe s’impose. En attendant, Raymond Ranjeva entend bien rappeler l’ancêtre de toutes les académies à Madagascar, celle des Menamaso et du prince Rakoto à Ambohimitsimbina. Tout un programme.

Nasolo Valiavo Andriamihaja

La guerre de 1942 à Madagascar

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En marge de la commémoration du bicentenaire du traité du 23 octobre 1817 entre le Royaume-Uni et Madagascar, la princesse Anne d’Angleterre s’est également rendue au cimetière antsirananais des soldats du Commonwealth tués pendant les combats de 1942.
C’est un pan de l’histoire de Madagascar dont parlent peu les livres d’histoire. Une page malgache pas du tout glorieuse de la France coloniale. Balayée par le Blitzkrieg, La France métropolitaine avait capitulé en juin 1940. Deux ans plus tard, le même général allemand, Erwin Rommel, à la tête cette fois de l’AfrikaKorps était sur le point d’entrer dans Le Caire, en Égypte. Il fallait aux Alliés se décider avant que l’Océan Indien ne devienne Mare nostrum des troupes allemandes descendant depuis la Mer rouge, à l’Ouest, et les sous-marins japonais arrivant depuis le détroit de Malacca, à l’Est. La rade de Diégo-Suarez se trouve opportunément dans les parages pour le ravitaillement des uns et des autres.
L’année 1942 eût pu être une annus horribilis pour la coalition américano-anglo-russe : juste avant, le 7 décembre 1941, les Japonais avaient détruit une partie de la flotte américaine du Pacifique avec l’attaque sur Pearl Harbor. S’ensuivra la bataille de Midway :  du 3 au 6 juin 1942, les Japonais perdaient quatre porte-avions. Presque au même moment (27 mai-11 juin), sur le front de l’Afrique du Nord, la bataille de Bir-Hakeim s’enlisait : les troupes françaises assiégées ont résisté, retardant l’avancée de Rommel. Les Japonais perdirent la bataille de Midway, les Allemands allaient finalement perdre la bataille d’El-Alamein, commencée un 1er juillet 1942 et abandonnée le 4 novembre.
Entretemps, mai 1942, les troupes britanniques attaquèrent les troupes de Vichy basées à Madagascar. Il s’agissait de la première opération amphibie menée par les troupes du Commonwealth depuis le rembarquement catastrophique de Dunkerque, en 1940. Mobilisant un porte-avions pour le lancement des avions de la SAAF (South African Air Force) ainsi que des blindés de la Marmon Herrington, ce fut une guerre moderne qui opposa à Madagascar les troupes françaises restées loyales au gouvernement de Vichy et les troupes du Commonwealth : troupes est-africaines, soldats écossais, régiment sud-africain. L’opération «Ironclad» débuta le 5 mai 1942 par le débarquement de Diégo-Suarez et se terminera par la capitulation des troupes françaises à Ambalavao-Ihosy, le 6 novembre 1942.
Le commandement français tergiversant pour gagner du temps, les Britanniques finirent par lancer deux débarquements sur Majunga (10 septembre) et Tamatave (18 septembre) avec un autre de diversion sur Morondava (10 septembre). Le jour de la conquête de Tamatave, les troupes britanniques eurent l’heureuse surprise de voir un train arriver en gare : c’est à son bord que le régiment South Lancashire remontera jusqu’à Brickaville. L’ensemble de l’île sera concerné sans que jamais les livres d’histoire nous en aient révélé l’ampleur : de la pointe Nord de Diégo-Suarez jusqu’à l’extrême-Sud de Fort-Dauphin (débarquement 29 septembre), des ports de l’Est (Vohémar, Antalaha) jusqu’au littoral de l’Ouest (Morondava, Tuléar), en passant par les points de résistance de l’intérieur (Mahitsy, Ambohidratrimo, Ambositra). Par son ampleur géographique (la 22ème brigade est-africaine aura parcouru 1050 kilomètres en huit semaines), la modernité de la logistique militaire, sa densité dans le temps (six mois), cette bataille anglo-française de Madagascar mériterait de figurer dans quelque manuel d’histoire.
J’aurais aimé me trouver à Ambohidratrimo, ce 22 septembre 1942, et raconter la réaction des Malgaches assistant à la bataille des tirailleurs sénégalais contre les soldats de la 17ème infanterie tanganykaise. La summa divisio de l’Afrique à la conférence de Berlin, 1884-1885, les possessions françaises en rose, les dominions britanniques en bleu, s’affichant en mosaïque monochrome de soldats noirs se battant entre eux… Les indigènes malgaches de 1942 y avaient-ils compris grand-chose ? Quelques heures plus tard, la route de la Capitale était déclarée ouverte, et les Britanniques entraient dans Tananarive.
Qui sait qu’un bombardement aérien eut lieu sur Behenjy, contre les troupes françaises en fuite vers Antsirabe ? C’était le 25 septembre 1942. Que ce sont des troupes du Tanganyika qui prirent Antsirabe, le 2 octobre. Que la reddition de la ville de Fianarantsoa, le 20 octobre, fit prisonniers de nombreux officiers supérieurs. Rien qu’en opérations aériennes, les britanniques effectuèrent 230 sorties, totalisant 591 heures de vol, pour 6 avions perdus, dont un dernier le 10 octobre 1942, abattu par la DCA d’Ihosy… En marge de sa visite aux 315 tombes du cimetière de Diégo-Suarez, la visite de la princesse Anne nous aura servi de prétexte à redécouvrir un pan méconnu de notre histoire.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Post-scriptum à un bicentenaire

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Cette semaine du bicentenaire du traité britannico-malgache (certains diront anglo-merina, mais Robert Farquhar n’était-il pas un Écossais à la tête d’un dominion britannique et au service de sa Très Gracieuse Majesté de dynastie anglo-allemande) aurait pu être exceptionnelle. Faute d’avoir éduqué tant de générations à cette question d’une souveraineté ayant précédé la conquête française de septembre 1895, et pour avoir laissé s’installer dans les mentalités l’idée de cette indépendance seulement acquise un 26 juin 1960, nous ne fûmes qu’une poignée, sensibles à la réalité du traité du 23 octobre 1817 dont, pourtant, la couronne d’Antananarivo, la royauté d’Imerina comme diraient encore certains, fit son cheval de bataille diplomatique tout au long du XIXème siècle. Persévérance et cohérence qui firent recevoir les ambassades de Madagascar auprès du Président des États-Unis, du Chancelier Bismarck, ou de la reine d’Angleterre.
La Reine Ranavalona III et son Premier Ministre Rainilaiarivony ne pouvaient peut-être que perdre la guerre de 1894-1895, mais, de manière assez paradoxale sinon ironique, c’est par le traité même qui lui concédait un protectorat, «qui ne dit pas son nom», sur Madagascar que la France finira par reconnaître une souveraineté qu’elle aura mis si longtemps à contester. Pour mémoire, et par devoir de mémoire, cette Chronique n’aura de cesse de réveiller les échos de cet article 12 du traité franco-malgache du 17 décembre 1885 : «Sa Majesté la Reine de Madagascar continuera, COMME PAR LE PASSÉ, de présider à l’administration intérieure de toute l’île».
Presque en post-scriptum : Le point d’ordre d’un État malgache reconnu par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les États-Unis, l’Italie, le royaume uni de Suède et de Norvège, réitéré, comment ne pas regretter que l’agenda anglican de Son Altesse Royale, la princesse Anne, fille d’une reine d’Angleterre «chef de la Haute église d’Angleterre (anglicane) et de l’Église d’Écosse (presbytérienne)», «chef du Commonwealth, Défenseur de la foi», ne lui ait pas permis de visiter ce haut-lieu de l’anglicanisme qu’est Ambatoharanana, dans l’Avaradrano de l’Imerina.
Les espèces animales en voie de disparition, dont se préoccupe l’ONG britannique Durell, méritent, certainement, un parrainage fort. Dommage qu’on n’ait pas étendu ce souci écologique à la sauvegarde culturelle et patrimoniale de l’église Saint-Paul d’Ambatoharanana, «laka» du complexe anglican fondé en 1878 : j’ai vu cette église trop souvent abandonnée aux éléments et au vandalisme de gamins inconscients. La route qui y mène devrait être restaurée depuis la rénovation parrainée par le Président de la République, en février 2017. Cependant. «Engagement-Désengagement» : il faut craindre qu’entre deux actions ponctuelles, des dégâts plus  profonds, dans la structure des pierres, dans le coeur du bois, dans l’authenticité des vitraux, ne deviennent irréversibles à force de récurrence. Surtout dans la tête des hommes. Le symbole d’une visite de Princesse Altesse Royale aurait fait bouger le curseur de notre apathie.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Quand la politique entre à l’UNESCO, la Culture en sort

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Dans un pays comme Madagascar, l’UNESCO, l’organisme onusien de l’éducation, de la science et de la culture, conserve tout son prestige quand une administration locale, structurellement défaillante dans le souci de son patrimoine, court sans vergogne après l’inscription de ses ruines  (Rova d’Antananarivo, par exemple) et vestiges (Rova et colline d’Ambohimanga, autre exemple) sur la liste du patrimoine mondial de l’Humanité. D’utile, l’UNESCO devient même éminemment sympathique quand, comme à sa session du 30 novembre 2016 à Addis-Abeba (Éthiopie), elle inscrit la bière belge sur la liste du «patrimoine culturel immatériel de l’humanité» : la bière comme tradition pluri-séculaire, marqueur culturel et social, art de vivre et démonstration d’un savoir-faire spécifique (Chronique VANF, La bière entre à l’UNESCO, 2 décembre 2016). Précédemment, en novembre 2010, à une autre réunion (Nairobi au Kénya), l’UNESCO avait reconnu le repas gastronomique français (sa charcuterie, son pain, ses vins, ses fromages, son Guide Michelin, ses chefs étoilés, son concours du «meilleur ouvrier de France») comme représentatif du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Le boire et le manger, la commensalité, pour «construire la paix dans les esprits», devise de l’UNESCO…
Alors que s’ouvre sa 39e Conférence générale (30 octobre-14 novembre 2017), l’actualité de l’UNESCO est cependant à la crise ouverte avec Israël et les États-Unis qui ont quitté l’Agence. Même si l’élection au poste de Directeur Général d’Audrey Azoulay, ancienne ministre de la France, et fille d’un juif conseiller du roi du Maroc, le vendredi 13 octobre 2017 peut apparaître comme une voie médiane entre deux logiques irréconciliables, arabe contre israélienne, musulmane contre juive. Cette proposition des 58 membres du Conseil Exécutif devrait être entérinée le 10 novembre par la Conférence générale.
Avant son élection, face à trois candidats arabes, Audrey Azoulay avait écrit dans un tweet du 8 octobre, que «l’UNESCO doit se concentrer sur ses grandes missions : l’Éducation, le progrès scientifique, la protection et la reconstruction du patrimoine».
L’ire israélo-américaine porte sur les dernières décisions, chaque fois à l’initiative de pays arabes, du Comité du Patrimoine ou du Conseil Exécutif de l’UNESCO : Israël y est systématiquement désigné comme «puissance occupante» de Jérusalem, tandis que les appelations islamo-arabes des lieux saints de Jérusalem sont privilégiés, reléguant entre guillemets les noms juifs du mont du Temple (celui de Salomon dont le second avait été détruit par les Romains en l’an 70) et du mur des Lamentations. Le judaïsme, qui est né avant le christianisme lequel précède à son tour l’islam, considère comme ses Pères fondateurs Abraham, Isaac et Jacob, tous ensevelis à Hébron : comment alors exiger d’Israël qu’il retire de la liste de son patrimoine national le tombeau des Patriarches dans la Vieille Ville d’Hébron, présenté comme site palestinien sous le nom de mosquée d’Ibrahim ?
Le 16 octobre 2017, Zeev Elkin, Ministre de Jérusalem et du Patrimoine, avait lancé son initiative «défendre Jérusalem» contre «les distorsions historiques». Des personnes influentes, en différents domaines et de différents pays, seront invitées à Jérusalem pour participer à une conférence des juristes à propos du statut de Jérusalem dans le droit international ; un symposium scientifique des archéologues et des historiens ; une rencontre entre les députés de la Knesset et des caucus d’amitiés parlementaires. La démarche prévoit un prix permanent international du «Défenseur de Jérusalem» pour ceux qui auront «contribué de manière unique à la bataille pour la réputation internationale de Jérusalem et contre la déformation de l’histoire».
Je ne suis pas exégète religieux, aussi serait-il intéressant que les spécialistes confirment ou infirment cet argument : le nom de Jérusalem, qui apparaît 700 fois dans l’Ancien Testament et une centaine de fois dans les Évangiles, ne serait pas cité une seule fois dans le Coran ? Hery Rajaonarimampianina, le président malgache, ne répondra pas à cette question, mais, le 31 octobre, il prendra la parole au Forum des dirigeants de l’UNESCO sur un thème moins clivant : «Développement durable et rôle de l’UNESCO dans le système multilatéral».

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

La curiosité au beau

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C’est en plumitif impropre au travail manuel que j’éprouve respect et admiration, bref de la fascination, pour ceux qui arrivent à créer le beau, le tellement beau, de leurs mains.
«À tenon et mortaise» : c’est en cours de «dessin industriel», en classe de sixième, que je découvris le concept de cet embout qu’on imbrique dans un trou pour arrimer ensemble deux morceaux de bois. Mon trait au crayon 3H sur le papier A4 réglementaire était laborieux, mais jamais je n’oublierai cette découverte.
Au Japon, les Kobayashi Kenkou forment un groupe de menuiserie traditionnelle qui sublime cet art, qui remonterait au VIIème siècle avant J.C., nous dit-on, dans la création de meubles ou la construction de maisons, sans aucun clou : le kamatsugi.
Entre parenthèse, mais, dans «Usual Suspects», ce film de 1995 qui a rendu générique le nom d’un personnage, Keyser Söze (en juin 2001, Time magazine avait même désigné Ben Laden comme le Keyser Söze géopolitique, une menace omniprésente dont le nom incarne tous les dangers bien au-delà de ses capacités réelles : c’était avant le 11 septembre…), Kobayashi était la marque de cette tasse en porcelaine dans le bureau de l’interrogatoire.
Passé maître dans l’art de sculpter et d’imbriquer à la perfection les différents morceaux de bois, d’un meuble ou de la charpente d’une maison, l’artisanat japonais excelle également dans la fabrication du «furo», la baignoire japonaise, tout en bois hinoki de la famille des cyprès. Selon un article (Le Point, 13 août 2017, «Okeei, de si précieux seaux», Marine de la Horie), le dernier fabricant Okeei exerce depuis cent trente ans à Tokyo. Il faut vingt ans pour devenir un orfèvre en «oke», ce récipient en bois et cerclé de cuivre, d’acier ou de métal argenté, pour les ablutions ; ou pour les restaurants gastronomiques à entreposer leurs mets les plus raffinés. Et cinq ans pour en fabriquer un : ce temps long bonifie le bois depuis la préparation de l’essence, la séparation d’avec l’écorce, le séchage. Découpé à l’emporte-pièce puis courbé par le cintrage du métal avec un marteau, chaque morceau est tranché dans la veine du bois pour optimiser l’ajustage et l’étanchéité. Il y a quelque chose de fascinant dans cet objet en bois parfaitement étanche quand votre ignorance associe imperméabilité à fonte, émail ou plastique.
Dans cette curiosité au beau, je viens également de découvrir le nom de Vincent Garson, un designer formé à la chambre syndicale de la haute couture de Paris. Il dit vouloir «travailler avec une qualité d’artisanat sans concession» et définit un objet de luxe comme «un objet légitimé par les heures de travail qu’il réclame ; respectable par le travail de l’homme, le savoir faire artisanal, le niveau d’excellence des finitions, la qualité et la rareté des matériaux ; un tissage des différents corps de métiers, chacun choisi pour ses compétences singulières, dans un grand respect du travail de chacun».
Après la menuiserie japonaise, la maroquinerie française : «en peaux entières, non fendues, sans doublure : côté pleine fleur et côté daim». Et des mots de sommelier : «association du veau sellier, qui allie souplesse et robustesse, et se lustre dans le temps, à un cuir végétal et son reflet vivant, qui s’abîme, se patine et s’assouplit»…
Comment traduire en malgache «qualité d’artisanat sans concession» ou «excellence des finitions» ? Je suppose que quand l’artisan Okeei recourt à un honoki vieux de trois cents ans, les forêts du Japon ne sont pas pour autant en voie de disparition. Le bois s’exploite, mais il faut le faire intelligemment. Je suppose que, pour ne pas se fendiller à l’usage, le bois a besoin d’un temps incompressible de séchage. Ou que la peau a besoin d’un tannage soigneux pour se transformer en cuir souple. Je suppose enfin que les différents corps de métiers, pour atteindre à l’excellence actuelle, plongent les racines de leur maîtrise dans une longue tradition de savoir-faire : les apprentis de James Cameron (à Antananarivo de 1826 à 1835 et de 1863 à 1875) ou de Jean Laborde (au service de la reine Ranavalona de 1831 à son expulsion en 1857) ne sont-ils jamais devenus les Maîtres de nouveaux compagnons ?
Prière traduire, aussi bien vers un malgache pratique qu’en actions de formation-perfectionnement, à l’adresse des artisans malgaches trop souvent encore adeptes du «asa tanana, misy indro kelin’ny mpandrafitra» : l’artisanat approximatif qui justifierait une finition aléatoire…

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja


Défiance d’Arabie

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L’Arabie saoudite promet que les femmes pourront accéder à trois stades de ce pays, siège de l’islam fondamentaliste. Après moult réfléxions, cette magnanimité historique, décidée le 30 octobre 2017 en faveur des «familles», sera donc accordée pour 2018, mille quatre cents ans après la mort de Mahomet. Et il faudrait applaudir !
En Arabie saoudite, la femme est interdite de sortie à moins d’être accompagnée par son père, son mari ou son fils. Ce n’est que depuis 2015 que la femme saoudienne peut se faire élire, quitte à prononcer son discours de propagande derrière un paravent ou un rideau, bien à l’abri des regards masculins. L’interdiction de permis de conduire n’a été levée qu’en septembre 2017… Bien évidemment, dans la rue, au volant, comme au stade, la femme saoudienne devra dissimuler chaque centimètre carré de son corps sous le sinistre abaya, le voile intégral noir de l’obscurantisme.
Ce n’est certainement pas en Arabie saoudite que pourrait exister une exposition photographique intitulée «Femmes», comme celle qui se tient actuellement à l’hôtel «Le Louvre» d’Antananarivo (jusqu’au 15 novembre).
Le prince héritier Mohammed Ben Salmane passe pour un libéral en assouplissant, à peine, un rigorisme moyenâgeux. Dire que l’Arabie saoudite avait osé prétendre organiser les Jeux Olympiques de 2020 ! Avec une proposition simplement loufoque : les hommes en Arabie saoudite, les femmes au Bahrein… Je ne comprends pas qu’on s’amuse à faire semblant de considérer ce genre de pays comme des contrées normales au lieu de simplement les exclure jusqu’à alignement sur leur siècle. Le monde n’a pas arrêté de tourner avec la mort de Mahomet, n’en déplaise à ceux qui prétendent inventer de toutes pièces des lois liberticides en son nom et lire le Coran à la lettre d’un temps révolu. Heureusement, les JO 2020 vont se dérouler au Japon.
Des femmes saoudiennes (ainsi que qataries et bruneïennes) aux Jeux Olympiques, ce n’est jamais que depuis Londres (2012), avec deux athlètes, et Rio (2016) une sprinteuse, une marathonienne, une escrimeuse, une judoka. Pas plus.
Aux JO de Berlin, en 1936, l’escrimeuse turque Halet Çambel devenait la première femme musulmane à participer aux Jeux olympiques. Elle n’était pas voilée. Aux JO de Los Angeles, en 1984, la marocaine Nawal el-Moutawakel, spécialiste du 400 mètres, devenait la première femme musulmane à remporter une médaille d’or olympique : elle courrait cheveux, bras et jambes nus. C’est aux JO 1996 d’Atlanta, qu’apparaît la première athlète musulmane voilée, une Iranienne : depuis, de compromis en compromission, de concession en capitulation, d’entorse à ses règles au reniement de ses valeurs, le CIO (comité international olympique) se fait le complice d’un «label islamique»…
Également, en 2018, l’Arabie saoudite rejoindra la commission de la condition de la femme aux Nations Unies, depuis un vote secret, et sans aucun doute aveugle, de 47 des 54 membres du Conseil économique et social de l’ONU. C’est de l’humour noir intégral contre la promotion de l’égalite homme-femme…
Post-scriptum : lors des derniers mondiaux de judo, qui se sont déroulés aux Émirats arabes unis, Israël n’eut pas le droit à une délégation officielle, ni ses médaillés à l’hymne national «Hatikva» ; lors d’un match contre l’Australie, dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2018, les joueurs saoudiens avaient snobé la minute de silence observée à la mémoire des victimes de l’attentat islamiste de Londres où un fanatique avait foncé dans la foule avec sa camionnette…charmantes moeurs islamistes…

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Le monde, le nôtre

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Dans ma tête, le meurtre du Premier Ministre israélien Itzhak Rabin restera à jamais associé à l’époque de l’incendie du Rova d’Antananarivo. Si le reste du monde n’a pas pris la juste mesure de notre affliction du 6 novembre 1995, c’est que l’actualité internationale, suivie par l’opinion publique internationale dans les quotidiens à large diffusion internationale ainsi que dans les médias planétaires, était consacrée à l’énième péripétie du drame israélo-palestinien. 2017 : les factions rivales palestiniennes ont, semble-t-il, trouvé un accord a minima qui achopera certainement sur la reconnaissance par les uns ou la négation par les autres de l’État d’Israël. Qu’il est loin le jour où Bill Clinton invitait l’Israélien Itzhak Rabin et le Palestinien Yasser Arafat à se serrer la main sur la pelouse de la Maison-Blanche.
Ce succès diplomatique n’allait finalement pas déboucher sur une quelconque avancée sur le terrain. Je suis sûr qu’on pourrait retrouver de vieux éditos sceptiques. Et ils avaient raison. Vingt-quatre ans plus tard, ce vieux dossier est toujours d’actualité : le Premier Ministre libanais réfugié en Arabie saoudite parce qu’il craindrait la menace du Hezbollah soutenu par l’Iran…
On croirait relire un vieux newsmagazine. Dans cet éternel recommencement, protagonistes et médiateurs tournent en rond, mais ce sont les peuples arabes, israélien, iranien, certainement en quête du bonheur simple de la paix et de la liberté, qui attrapent le tournis. Et voilà que la Grande-Bretagne assume crânement le centenaire de la déclaration Balfour (2 novembre 1917), le «loza nihavian’ny fanafintohinana», comme on dirait en malgache : un énième malentendu dont le Moyen-Orient subit les conséquences directes et le village planétaire les dommages collatéraux.
Le grand foyer juif de Palestine de 1917 était la compensation approximative d’une réelle injustice lointaine : la Judée, Israël, Jérusalem, mais n’en parlait-on pas bien avant que naissent le christianisme ou l’islam…
novembre 2016 - novembre 2017 : un an de Donald Trump. Le temps passe vite. Oh, il y eut des couacs, quelques scandales, des centaines de tweets. Sauf que le monde n’a toujours pas vécu le cataclysme annoncé par le politiquement correct. Bien sûr, ce n’est pas avec Donald Trump que le Premier Ministre canadien Justin Trudeau aurait été déjeuner en bras de chemise, comme il l’a fait avec Barack Obama, pourtant ancien président, mais toujours aussi populaire, manifestement. Mais, face à un fou, sans même le rempart d’un système démocratique, comme c’est actuellement le cas en Corée du Nord, je ne suis pas certain que l’argument d’un déjeuner sans cravate aurait beaucoup de poids.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Raha ho avy, Rankizy, ny taona hodiako

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Ny ahy, ny zanako, efa nafarako : rehefa lasana rainareo dia dory sao misy mangalatra ao am-pasana ao ny taolambaloko ka sady ho alahelo no haterezana ary raharaha ho anareo. Maro loatra ny olon-tsy vanona mbola tsy voaheloka ho faty. Ny raiko sy ranjoky efa lasan-ko vovoka, tsy misy ahiana intsony hisavika ny fotaka aminy. Ny fandriana vato sivy ao am-pasana koa efa hipoka : taranaka firifiry, zahao sy tetezo ara-bakiteny amin’ny tetiarana navelako ho anareo. Tandremo, fa izaho nankahala vangongongongo fahaveloko, aza ampifampikasohana rehefa maty. Dory, dia ataovy izay tianareo hanaovana ny lavenona fa mibahan-toerana loatra ny fasana. Jereo ny tanindrazantsika, zary tokontanim-pasana sisa : izay ho anjaran’ny velona, mitombo isa moramora na dia mahalana miteraka aza noho ny fanabeazana, zara raha mbola misy ijoroan’ny tsirairay.
Ny ahy koa, ny zanako, mbola ho hafarako : raha sanatria ka mba nahavita zavatra ho an’ity firenena ity ny rainareo, lavo ankitsirano ny hevi-panjakana hitondra azy any amin’ny Tranompokonolona na «gymnase» na «palais des sports». Raha tsy maintsy hisy fiandrasam-paty (fa «levée de fonds» mantsy ireny, mety hahavita izay vitany, singan-dandy hahafolo lamba, solon-dambamena hanamaivana ny raharaha tsy vitan-tsetsetra), vitao mihaja any an-tranontsika ihany. Isika rahateo efa zatra tsy mihira talaho, tsy mba ireny mitabataba tsy ahitan’ny manodidina torimaso. Sotroy milamina sy mihaja ny toaka, fa rainareo tsy mba niafy tamin’io, fahavelony. Sady tany tsy fady, no vavam-bahoaka tsy ahoana.
Izany tranompokonolona, «palais des sports», «mausolée», izany, tantely afa-drakotra ka akarina ao daholo izao rehetra izao. Very hasina fa daholobe loatra. Inona tokoa moa no fepetra voafaritra an-tsipirihiny hitondrana an-dranona na ranona ao ? Nahavita inona marina ? Henin-kaja ahoana ? Ny fombandrazantsika rahateo, Rankizy, tsy mba mifangarongaro tokontanim-pasana amin’olon-tsy fantatra, ka aza mitonantonana hiandry faty an-kalamanjana ho dikadikain’olon-tsy hay !
Famadihana efa tsy fomban-drazantsika rahateo, ka tsy ilaina hanafarana anareo. Ny antsika ny maty, avela handry fehizay : vovoka tsy mahalala hatsiaka, feta tsy hidiran-drivotra. Ny adidy sy andraikitra amin’ny mpiara-belona imasoana fa aza mandany andro amiko tsy hay akory na razana hitahy, satria efa tsy hifoha intsony mandrakizay. Raha mba sendra manimanina ianareo, fa fepetra tena maha olombelona ny embona sy alahelo (vakio matetika ny «Takelaka notsongaina» navelako ao), ataovy fitsangantsangana ny any ambanivohitra fa tsy ho fanatera-maloton’ny zanaka am-pielezana fotsiny. Teo ry dadabe, teo ry dadaben’i dadabe, teo ry dadaben’i dadaben’i dadabe… Fa olona hita lohalika, kitrokely, faladia ary doria, isika fa tsy lafivalon-kavana fotsiny.
Raha ho avy, Rankizy, ny taona «hodiako» (hody ahoana moa, hody aiza koa), dia izao no mba zavatra ataovinareo ahy.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

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Que les choses soient bien claires : il ne s’agit pas, ici, de quelque trente-troisième de quoi que ce soit. Mais, d’une banale, quoique pas si anodine, contenance. On ne parlera donc pas de degré, mais de centilitres.
À une époque, quand j’étais ambassadeur de la NBM (nouvelle brasserie de Madagascar), on m’avait expliqué les vertus de la bouteille 50 centilitres. Guère convaincu à l’époque, parce que adepte de longue date de la bouteille 65, il faut croire que le réchauffement climatique a atteint ces huit dernières années, des centigrades Celsius devenus intolérables. Même la bouteille de 50, format répandu actuel des Skol, Gold, Amigo, est devenu trop grand : si le sang coagule, si le café refroidit, la bière se réchauffe naturellement à la température ambiante. Et, à moins d’aimer la cervoise tiède (si, si, il s’en trouve), elle devient vite imbuvable.
Sous nos tropiques, les chopes de 100 centilitres de l’OktoberFest de Munich ne feraient pas l’affaire. Au bout de deux ou trois gorgées, la fraîcheur aurait disparu, et le plaisir de la dégustation avec.
Quiconque a déjà visité un des entrepôts de la brasserie nationale STAR, aura remarqué les centaines de palettes de cageots de bières qui attendent de partir aux quatre coins (en malgache de la troisième dimension, on dirait lafivalo, les huit plans) de Madagascar. Ne nous gaussons pas de censure, qui n’est pas la nôtre, contre la publicité faite à l’alcool. Sur nos routes nationales, il n’y a que deux flux continus tout au long de l’année : les camions-citernes des compagnies pétrolières (qui, outre qu’ils ravitaillent les stations-service, approvisionnent également les anachroniques groupes thermiques de la JIRAMA) ; et les camions de livraison de la STAR, maison-mère de la sacro-sainte THB.
Mais, revenons aux palettes de cageots de THB : et ceci est un appel de détresse adressé aux plus hauts responsables de la brasserie. La bière se corrompt au soleil, et elle se corrompt définitivement à la chaleur. Donnons à la boisson emblématique du pays (la compagnie nationale emblématique fut longtemps Air Madagascar, le plat national emblématique est en passe d’être la «soupe chinoise de Tamatave»), l’ombre nécessaire à la conservation de son goût.
J’ai, sous les yeux, de vieilles publicités des années 1930, à Madagascar : il me semble qu’elles sont en 33 ou 50, la Hansa (mise en bière à Dortmund) ou la danoise Tuborg (importée par Darrieux à l’époque). La 65, je crois me souvenir que c’était la Kronenbourg à collerette blanche qu’on m’envoyait acheter chez le Chinois du quartier, dans les années 1970.
Toutes ces considérations peuvent sembler surréalistes jusqu’à ce qu’on les ramène aux milliers d’hectolitres de THB qui s’écoulent chaque année. Si la 65 devait tiédir avant qu’on puisse la vider, autant écluser la 33. Là, tout d’un coup, c’est beaucoup plus sérieux. On parle du captage de millions et de milliards.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

L’an prochain à Jérusalem

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C’est ce jour, 10 novembre, que devrait être entérinée l’élection d’Audrey Azoulay, à la tête de l’UNESCO. The Times of Israël, du 15 octobre 2017, saluait son élection sans enthousiasme excessif : «Bienvenue en Israël, la nouvelle directrice française et juive de l’UNESCO ne changera pas immédiatement l’institution».

Le scepticisme des Israéliens s’explique par la multiplication des résolutions présentées par les pays arabes et adoptées par l’UNESCO. En juin 2012, l’UNESCO fait de l’église de la Nativité de Bethléem, en Cisjordanie, un site palestinien. En octobre 2015, la décision 185EX/15, classe le caveau des Patriarches et la tombe de Rachel comme sites musulmans et ordonne de «retirer les deux sites palestiniens de la liste du patrimoine national israélien». En avril 2016, à l’initiative de plusieurs pays arabes, le conseil exécutif de l’Unesco adopte une décision sur la «Palestine occupée» visant à «sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est». Le 7 juillet 2017, une initiative arabe fait classer le tombeau des Patriarches dans la Vieille Ville d’Hébron, en Judée, comme site palestinien sous le nom de mosquée d’Ibrahim. Le judaïsme, qui est né avant le christianisme lequel précède l’islam, considère pourtant comme ses Pères fondateurs Abraham, Isaac et Jacob, tous ensevelis à Hébron. Le 26 octobre 2017, une résolution sur Jérusalem-Est, portée par des pays arabes, évoque «l’Esplanade des mosquées», comme l’appellent les musulmans, et non «le Mont du Temple», comme l’appellent les juifs. Comble : les noms juifs sont mis entre guillemets.

Dans ses décisions et résolutions, l’UNESCO prend la précaution de toujours souligner «l’importance de la Vieille Ville de Jérusalem et de ses remparts pour les trois religions monothéistes». N’empêche, le 10 novembre 2016, l’évêque catholique Mgr Vincent Jordy, président du conseil épiscopal pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme, écrivait à Irina Bokova, alors directrice générale de l’UNESCO, pour «dénoncer une résolution (qui) semble ignorer le lien du peuple juif et, en conséquence, de la tradition chrétienne, avec Jérusalem». Jérusalem et le temple de David achevé par son fils Salomon, en l’an 1000 avant J.-C., avant sa destruction par le roi perse Nabuchodonosor II, lors de l’exil des Juifs à Babylone, six siècles plus tard ; Jérusalem et le second temple, détruit par les Romains, en l’an 70. La mosqée al-aqsa est bâtie sur le sanctuaire du Temple de Jérusalem, le «saint de saints» où n’entrait qu’une fois par an, au Yom Kippour, le grand prêtre. L’an prochain à Jérusalem, avaient-ils l’habitude de se souhaiter, pendant les 2000 ans d’exil…

L’élection d’Audrey Azoulay, qui a promis de recentrer l’UNESCO sur ses missions culturelles, a également été accueillie avec fierté par l’association Essaouira-Mogador, au Maroc. Cette association siège à la maison Dar Souiri dans la Kasbah el Jadida, quartier conçu selon un plan rectangulaire en damier, à partir de 1863, à l’usage des commerçants musulmans, juifs et chrétiens. Son père André Azoulay (un Michaël Azoulay est rabbin à Neuilly-sur-Seine) est le président fondateur de l’association depuis 1992. Dans un discours d’octobre 2016, il disait : «La cité des alizés  a été, pendant le 19ème siècle, l’un des espaces culturels et spirituels phares où régnaient une convergence et une fraternité entre islam et judaïsme. C’est à Essaouira qu’islam et judaïsme ont eu la proximité la plus longue et la plus lucide, nourrie, modelée et façonnée par l’enracinement des identités de l’un et de l’autre».

L’ancienne Mogador et sa medina sont inscrites au patrimoine mondiale de l’UNESCO depuis 2001 : ville phénicienne, forteresse portugaise, port alaouite ouvert sur le monde, «port de Tombouctou» jusqu’au protectorat français. Hébron, ville de Cisjordanie, dans la région de Judée, une des plus vieilles villes du monde (3000 avant J.-C.), conquise par les Romains, aux mains des Croisés, ravie par les Mamelouks. Jérusalem, premier lieu saint du judaïsme, troisième lieu saint de l’islam. Appartenances emmêlées, revendications inextricables, terres de passions multiples : Jésus, Juif de Palestine, fondateur du christianisme…

Bernard Hadjadj, ancien Directeur de l’institution critique vertement l’UNESCO dans un article, «Résolution de l’UNESCO sur le mont du Temple : la France complice d’un mensonge» (lefigaro.fr, 2 mai 2016) : «l’UNESCO est atteinte de deux maux qui risquent de la perdre : le reniement et le déni. Reniement de sa raison d’être en fermant les yeux sur l’éducation à la haine de certains de ses États membres ; déni de l’histoire en amputant le peuple juif de son identité historique et culturelle».

La Science, l’Éducation et la Culture n’ont jamais été aussi indispensables contre l’obscurantisme. Il faudra que Madagascar, de nouveau élu au Conseil Exécutif de l’UNESCO, prenne garde à ne pas laisser instrumentaliser son vote.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

 

 

La peine de mort, c’est combien de morts ?

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Condamner à mort. La peine capitale. Il n’y a pas si longtemps, cette idée n’était pas aussi barbare que les journalistes et médias politiquement corrects veulent bien le faire accroire. Sachant, cependant, que cette «bulle» est largement européenne, il nous faut créer une «cellule psychologique» de remontée dans le temps.
Depuis mai 1945, quand, où, par qui, a été décidée cette générosité inédite ? Au sortir de la seconde guerre mondiale, les Juifs rescapés des chambres à gaz n’avaient en tête que de se venger des Mengele et consorts. Le tribunal de Nuremberg avait condamné des nazis à mort. Les Européens de l’Est, fortement encouragés par le nouveau parapluie soviétique, en profitèrent pour chasser les populations allemandes (post-Scriptum : un reflux dramatique, depuis «l’Oural» symbolique du général de Gaulle jusqu’à l’Oder-Neisse des marchandages germano-polonais, qui ouvre un autre débat à propos du «droit au retour», concernant les «Aussiedler», ces descendants des 100.000 Allemands qui, en 1763, ont répondu à l’appel de la Tsarina Catherine II, elle-même d’origine allemande, pour s’établir sur les bords de la Volga : Allemands en Russie d’avant la chute du Mur de Berlin, 1989, malheureusement Russes dans l’Allemagne des années 2000).
L’Europe a donc entamé son voyage pyscho-thérapeutique, dont on sait le départ, sans être jamais fixé sur l’arrivée. Le «plus jamais ça», Der Des Der, avait été décrété pour 14-18 avant que 39-45 vint nous rappeler à quel point de fragilité nous autres civilisations sommes mortelles, mais terriblement mortifères d’orgueil individuel. Finalement, cependant, ces épreuves-là, de génocide, de destruction, de barbarie, jamais, ici, à Madagascar, nous ne les avions vécues. Les soldats malgaches, engagés ou volontaires, n’avaient pas tant raconté pour créer un substrat de peur ou de colère, même d’empathie.
La question : pourquoi Madagascar devrait s’aligner sur les conséquences d’une cause qui ne l’a jamais concernée ? La magnanimité des uns procède d’une histoire qui ne regarde pas les autres. Si l’Europe devait culpabiliser pour le génocide des Juifs, pour le massacre des Amérindiens, pour l’esclavage des Africains, pourquoi Madagascar devrait en porter le fardeau moral ?
Le mécanisme de la reconnaissance comme PMA (oui, «pays moins avancés», c’en est financièrement une), avec son atteinte du point d’achèvement dûment contrôlée par Bretton-Woods, l’octroi des IDE (investissements depuis l’étranger), a certainement été décisif pour faire accepter aveuglément par l’Assemblée Nationale malgache (combien de députés ont honnêtement lu le texte ?) de l’abolition de la peine de mort.
Presque en post-scriptum : Kidnapping, viol, viol de sépulture, meurtre crapuleux, tortures, récidive, récidive… Une question à méditer : est-ce normal qu’un propriétaire de camion de 90 places, dont la visite technique avait tellement expiré qu’elle n’existait plus, puisse embarquer 140 personnes à son bord ; sans compter le fret sans nombre ; le constater perdre le contrôle de cet improbable engin, qui avait cessé d’appartenir à aucune catégorie nomenclature sérieuse des transports publics ; lui laisser faire mourir une trentaine d’enfants, de femmes, et d’hommes ; s’en tirer avec dix ans de prison et une amende ? Comme je le résumais, dans une précédente Chronique du 2 août 2017 : «il n’existe aucun autobus à double étage pouvant accueillir 100 sièges. La pasteur rescapée de l’accident affirme cependant qu’ils étaient 140 personnes à bord. Ce 1er août 2017, aucun gendarme ni policier n’aura remarqué le surbooking, entre Ampefy et Ankazobe, en quinze heures de route, sur deux routes nationales différentes»…

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

Malentendu centenaire

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Le 11 novembre 1917 était le 1198ème jour de la Première guerre mondiale. Les nombreux documentaires autour du 99ème anniversaire de l’armistice du 1918 insistent particulièrement sur la guerre «souterraine» de cette époque : des kilomètres et des kilomètres de tranchées sur un front figé, un réseau impressionnant de tunnels, de puits, de mines, illustration tragi-comique de la vie de rat que fut celle des millions de soldats, surtout français et allemands, dans la région de Verdun. Que pouvaient bien penser les généraux, qui donnèrent ces ordres de s’enterrer vivant, pour ne pas céder un pouce ou avancer de quelques mètres, de l’absurdité sanglante (700.000 morts à Verdun, dit-on) de leur entreprise ?

Le 7 novembre 1917, les troupes de Léon Trotski attaquaient le palais d’Hiver de Saint-Petersbourg. En vingt-quatre heures, Lénine et ses bolchéviques prennaient le pouvoir en Russie. Vladimir Illitch, qui vivait alors en exil depuis dix ans, avait pu rentrer en Russie grâce à l’aide des services allemands qui voulaient créer un désordre derrière les lignes ennemies, et en son coeur. Terrible calcul, même si Lénine fit signer dès le 2 décembre un traité d’armistice avec l’Allemagne des Hohenzollern et l’Autriche-Hongrie des Habsbourg. Leur cousin (ne sont-ils pas tous descendants de Joachim-Ernest d’Anhalt (1536-1586) ?) Nicolas II de Romanov sera exécuté par le bolchéviques, avec toute sa famille, en juillet 1918. La suite, on la connaît, sept décennies d’une dictature communiste, qui s’effondrera en 1989 non sans avoir contaminé le reste du monde de son idéologie mortifère.

Cette guerre de 14-18 – qui ne fut mondiale que parce que des supplétifs originaires des colonies africaines, arabes, asiatiques, malgache combattirent sur l’unique front européen – a été la bien-nommée «suicide des empires». Le 30 août 1914, à Tannenberg, les Allemands battaient les Russes, en une lointaine revanche sur la défaite des Chevaliers teutoniques, en 1410. En 1917, cette bataille de Tannenberg avait été décidée pour ouvrir un deuxième front et soulager les Français bousculés par les Allemands. C’est une singulière ironie de l’histoire que des dynasties impériales apparentées en soient venues aux armes, permettant de sauver une IIIème République française héritière de la Révolution de 1789.

En devoir de mémoire comme d’inventaire, je rappelle cette Chronique du 05 août 2014, «Ma leçon à moi de 14-18» : Par le jeu des alliances, et par la fatalité de la colonisation, des soldats malgaches allaient mourir pour une cause qui nous fut absolument, mais alors totalement, étrangère ! Franchement, que l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, que la Russie protectrice slave mobilise ses troupes, que l’Allemagne se rallie à sa cousine l’Autriche, que la France et l’Angleterre entrent en guerre au nom de la «Triple entente», qu’est-ce que Madagascar en avait à foutre en 1914 !

Vingt ans auparavant, en 1895, nos arrière-grands-parents venaient de voir leur indépendance violée par les troupes françaises. Le mouvement nationaliste des «Menalamba» avait été réprimé de 1896 à 1901. Et, tandis que les Européens entraînaient le reste du monde dans leurs folies, l’heure du Vy Vato Sakelika (VVS) sonnait chez les nationalistes de Madagascar dont la fierté de la chose malgache n’allait jamais se démentir pour se concrétiser dans l’oeuvre immense, malheureusement sans héritier, de l’encyclopédie malgache du «Firaketana».

Le malentendu, que fut cette guerre lointaine pour la génération de nos arrières-grands-parents, est incarné par le sort du pasteur Ravelojaona (14 février 1879 – 4 septembre 1956) : nostalgique de l’époque de l’indépendance, sans doute membre de quelque cercle des premiers intellectuels tananariviens de son époque, le fondateur du «Firaketana», pour prouver sa «loyauté» après son acquittement dans le procès de la VVS en 1916, accepta de s’exiler à Marseille et il termina la guerre comme adjudant de l’armée française. Ravelojaona, comme l’ensemble des tirailleurs malgaches envoyés combattre les soldats allemands, ne devait professer aucune animosité particulière envers les dynasties Habsbourg et Hohenzollern, comme il ne devait cultiver aucune sympathie excessive pour la IIIème République française qui fit exiler Ranavalona III et Rainilaiarivony, fusiller Ratsimamanga et Rainandriamampandry, désacraliser la dépouille du roi Andrianampoinimerina et bouleverser les «Fitomiandalana» d’Antananarivo…

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja


La folle modernité de la peine de mort

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Si la peine de mort devait être une régression, que dire de la peine de prison ? Des pénitenciers entretenus aux frais du contribuable, donc à la charge de la société. La faune, qu’on y enferme, se nourrit d’amertume, de haine, de violence, ingrédients suffisants pour créer des monstres. La réinsertion sociale compromise, à quoi bon faire semblant de croire, et comment croire à la vérité d’une perpétuité incompressible au jeu des remises de peine. Comment ne pas craindre quelque évasion rocambolesque, portes ouvertes à tant et tant de récidives.
Ci-dessous, trois Chroniques éparses de cette plaidoirie en faveur de la peine de mort. Morceaux choisis.
(02.12.2011) INCOMPATIBILITÉ AVEC L’HUMANITÉ
Un moine, d’un ordre dit des  »Béatitudes », reconnaît avoir abusé, pendant vingt ans, de 57 enfants, âgés de 5 à 15 ans. Plutôt que de se concentrer sur la peine exemplaire à infliger à cet individu, on se complaît à évoquer le «procès du silence», au prétexte que sa hiérarchie avait été plusieurs fois prévenue sans jamais rien entreprendre pour y mettre fin. Ses victimes, aujourd’hui adultes, sont traumatisées à vie, tandis que le moine Albert fera cinq ans de prison.
Une vingtaine de voyous, regroupés dans ce qu’ils appellent «le gang des barbares», ont enlevé, séquestré, torturé pendant trois semaines un jeune Juif, avant de le laisser pour mort, le long d’une voie ferrée. La victime décédera lors de son transfert à l’hôpital. Lors du procès, le chef du gang n’a jamais eu un mot d’excuse ou de regret, se donnant en spectacle dans les médias pour mieux amplifier ses gestes de provocation à l’égard de la Justice et de la famille de la victime. Il sera condamné à la prison à perpétuité.
Anders Behring Breivik, ce Norvégien qui a tué de sang-froid 77 personnes, sera déclaré pénalement irresponsable. Il souffrirait, selon des experts mandés à son chevet, de schizophrénie paranoïaque. Selon toute vraisemblance, les droits d’un seul homme l’emportant sur ses crimes contre l’humanité, l’assassin passera le restant de ses jours dans un hôpital psychiatrique.
(11.10.2012) DUALE DIGNITÉ HUMAINE
Les ministres des affaires étrangères de la Suisse, de l’Allemagne, du Liechtenstein, de l’Autriche, de l’Italie et de la France, ont signé, ce 10 octobre 2012, un plaidoyer commun pour l’abolition de la peine de mort : « Aujourd’hui, 10 octobre, nous célébrons le dixième anniversaire de la journée mondiale contre la peine de mort. Cette journée mondiale représente l’occasion de réaffirmer notre opposition à la peine capitale, en toutes circonstances. Représentants de pays partageant des valeurs communes, nous devons conjuguer nos efforts et parler d’une seule voix pour que disparaisse cette pratique qui n’a pas sa place au 21ème siècle. Ces vingt dernières années, plus de 50 Etats ont tourné le dos à la peine de mort. Plus de 130 Etats l’ont abolie ou observent un moratoire. De fait, une cinquantaine d’Etats l’appliquent encore ».
Parmi ces derniers, des États tout à fait respectables, comme les États-Unis ou le Japon. Car, il ne faut pas croire que l’application de la peine capitale relève uniquement de dictatures sanguinaires, de régimes islamistes sous le régime rigoriste de la charia ou de peuplades structurellement rétrogrades. À l’issue de la seconde guerre mondiale, les représentants des puissances ci-dessus signataires ont accepté, sans état d’âme, que les pires nazis soient jugés au tribunal de Nuremberg et condamnés à mort, pour nombre d’entre eux. Ils furent reconnus coupables de crimes contre l’Humanité.
Dans la dignité humaine, il y a donc deux versants, complémentaires justement dans leurs contradictions, de la même Humanité : la dignité humaine des victimes qui réclament vengeance, la dignité humaine de ceux qui cherchent notre compassion malgré leurs crimes absolument odieux. Aux uns, on pourrait expliquer que la mort du bourreau ne ressusciterait pas les suppliciés. Aux autres, on pourrait exiger des garanties qu’il n’y ait plus jamais de récidive.
(21.03.2016) NOTRE ÉPOQUE MARCHE SUR LA TÊTE
Le 22 juillet 2011, en Norvège, le militant d’extrême-droite Anders Behring Breivik tirait froidement dans la foule de jeunes socialistes en séminaire. Condamné à 21 ans de prison, il porte aujourd’hui plainte contre l’État norvégien prétendant que ses conditions de détention sont inhumaines : l’administration pénitentiaire bloque sa correspondance avec un réseau d’extrémistes fascistes. Cet assassin de masse menace d’entamer une grève de la faim, lui qu’une société de bon sens aurait dû décapiter. On peut être sûr qu’il se trouvera des mouvements droits-de-l’hommistes pour défendre la cause de l’assassin, oubliant les 77 morts de l’île d’Utoya.
Pour l’année 2015, la justice française aurait accordé 36.000 permissions, et 236 prisonniers en auraient profité pour décamper, presque une évasion par jour. Un évadé en cavale aura ainsi grièvement blessé par balle un policier de la brigade anti-criminalité. N’empêche, les idéologues de la réinsertion sociale prétendent que les permissions de sortie, la plupart du temps sans aucune escorte et jusqu’à trois jours, seraient indispensables pour aider le détenu à préparer son retour à la liberté. Ce sont les mêmes idéologues qui remettent en liberté, parfois parmi leurs anciennes victimes, de multi-récidivistes qui, bien entendu, s’empressent de violer ou de tuer, de nouveau.
Le terroriste islamiste Salah Abdeslam, organisateur des tueries de novembre 2015 à Paris, qui avaient fait 130 morts, a finalement été arrêté, quatre mois après. Il vivait dans un quartier de Bruxelles archi-connu pour l’existence de mosquées fondamentalistes et désormais célèbre pour les images de femmes en voile intégral, au beau milieu de l’Europe. Les forces spéciales belges ont oublié de le tuer dans l’assaut, comme en avait eu la détermination le commando américain qui a débusqué Oussama ben Laden, commanditaire des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient fait 3000 victimes.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

Tourner la page sur vingt ans de foot

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Dans le monde qui est le mien, un séisme s’est produit ce lundi 13 novembre 2017 au stade San Siro de Milan. Oui, l’Italie ne participera pas à la prochaine Coupe du Monde de football en Russie. Une première depuis 1958. Mais, surtout, un monstre sacré mettait un terme à vingt ans d’une carrière extraordinaire : le gardien italien Gianluigi Buffon, 39 ans, aurait pu disputer une sixième Coupe du Monde, et établir un nouveau record, mais son parcours en «Nazionale» s’arrêtera donc à 175 sélections internationales. On se souviendra de son réflexe exceptionnel sur une tête de Zinédine Zidane en finale de la Coupe du monde 2006, que l’Italie allait remporter.
Né en 1978, Buffon appartient à une décennie, la mienne, la nôtre, des années 1970 (mais, disons que les années 1970 peuvent avoir commencé en 1966, juste à temps pour la finale Allemagne-Angleterre). Tout récemment, le 6 novembre dernier, un autre grand joueur italien, Andrea Pirlo, surnommé «L’Architecte» et célèbre pour sa vision du jeu et ses longues transversales millimétrées, mettait également un terme à sa carrière après une élimination en demi-finales de la conférence Est : c’est anecdotique, du soccer aux États-Unis, une Major League de vieilles gloires qui avait accueilli les pionniers Pelé et Beckenbauer. Les générations plus anciennes que la nôtre s’extasiaient sur l’élégance au jeu et le port de tête altier de Franz Beckenbauer, surnommé le «Kaiser». Juste pour le plaisir, je reprends le commentaire d’un internaute à propos d’Andrea Pirlo : «Quelle putain d’élégance : le mec aurait pu jouer en costard et mocassins toute sa carrière, ça n’aurait surpris personne»… Cet admirateur savait-il que Pirlo avait, des semaines durant, peaufiné l’art du coup-franc à la Juninho, et que, le jour où il eut son eurêka, il avait marqué avec des mocassins… (lsofoot.com/vingt-ans-de-football-a-la-pirlo).
Born 1979, Pirlo appartient également à cette décennie 1970s dont les derniers mohicans tirent leur révérence. Il ne s’agit pas seulement de la mélancolie d’un jeune vieux ou de la nostalgie du «bon vieux temps» : Pirlo et surtout Buffon incarnent une certaine idée du football, du club, du maillot. Pirlo jouait depuis dix ans au Milan AC (deux Scudetti, deux ligues des champions) quand on lui signifia qu’il était bon pour la retraite. À 30 ans, il rejoint la Juventus où il gagnera quatre autres Scudetti. Quant à Buffon, c’est plus simple : après des débuts à Parme, il évolue depuis seize ans à la Juventus. Cette génération semble la dernière à nourrir quelque loyauté à un club. Aujourd’hui, en début de saison, un joueur peut être intronisé sous un maillot, et juste quelques mois plus tard, de mercato en mercato, terminer la saison avec un autre club. Et dire qu’un autre Italien, Paolo Maldini (né en 1968), aura joué uniquement pour le Milan AC, durant vingt-quatre ans, de 1985 à 2009…
Quand on repense à la carrière de Pirlo et de Buffon, à leur excellence dans leur domaine respectif, au respect et à l’admiration que leur accordent leurs pairs, on se demande avec incrédulité encore, comment le Ballon d’Or 2006 avait pu être décerné à Fabio Cannavaro. Certes, un autre Italien champion du monde, mais, franchement, qui s’en souvient !

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

Madagascar, opération Frontières Ouvertes

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Des immigrés arabes apprennent le malgache au CDA Andohatapenaka : d’où arrivent-ils ? comment sont-ils entrés à Madagascar ? que savent les autorités de leur passé, de leur profil, de leurs intentions ? Des clandestins pakistanais ont été appréhendés et expulsés : comment sont-ils entrés à Madagascar ? Les autorités malgaches savent-elles seulement s’il n’en reste pas des douzaines d’autres dans la nature ?
Des femmes musulmanes voilées de la tête aux pieds dans le tristement célèbre niqab, qu’on voit habituellement sur les images provenant des pays, au mieux de l’islam rigoriste (Arabie saoudite wahhabite, Iran des ayatollahs), au pire de l’islamisme terroriste (Afghanistan des Talibans, territoire du califat auto­proclamé de Daech), se promènent dans les rues d’Anta­nanarivo et ailleurs dans Madagascar : d’où viennent-elles ? comment sont-elles entrées à Madagascar ? que viennent-elles chercher chez nous ? appartiennent-elles à quelque mosquée clandestine salafiste ? ont-elles prêté allégeance à quelque mollah rétrograde et jihadiste ?
Dès l’attérissage à Madagascar des avions de la Turkish Airlines, nous fûmes quelques-uns, et sans doute beaucoup plus nombreux depuis, à nous inquiéter de voir débarquer des hommes de type arabe à l’accoutrement très traditionnel, pas du tout le genre de musulmans locaux que nous avions l’habitude de côtoyer depuis plusieurs décennies.
Qu’est-ce qui a fait que ce curseur vestimentaire bouge ? Qui sont ces gens, d’où viennent-ils, où vont-ils, que font-ils ici, quand repartent-ils, combien auront-ils converti à la lecture au pied de la lettre d’il y a quatorze siècles de notre société des années 2000 ? Pourquoi les musulmans de Madagascar étaient-ils toujours habillés sans surenchère rigoriste ? N’est-ce pas parce qu’ils sont libéraux ? Mais, être libéral et musulman, sans doute est-ce déjà une parjure aux yeux des islamistes qui imposent la stricte séparation des hommes et des femmes dans l’espace public, l’interdiction de l’accès à l’éducation et l’instruction pour les jeunes filles, l’enfermement de la femme adulte sous le niqab ?
Je vois déjà les bonnes âmes dénoncer mon amalgame raciste. Pourquoi ai-je été voir comment réagit un Hindou, à propos d’un possible asile accordé par l’Inde aux Rohingyas, ces musulmans chassés de Birmanie : «Ces gens commencent par demander
l’asile, exigent ensuite la nationalité, et finissent par réclamer la charia». L’application de leur loi islamique à l’exclusion de toute autre, et surtout des lois de libérté religieuse et de tolérance interconfessionnelle. Pourquoi m’étonné-je que l’ONU exige de la Birmanie le retour des Rohingyas alors que les Nations Unies sont incroyablement silencieuses sur le sort des millions de Chrétiens d’Orient chassés d’Irak ou de Syrie ?
Ces questions seraient celles que poserait norma­lement la veille de proximité dite de l’andrimasom-pokonolona. Sauf que, là, l’andrimasom-pokonolona relèvait déjà de la police aux frontières. Les frontières malgaches sont une passoire : les clandestins et les  trafiquants du monde entier ont dû se donner le mot. Au départ, des tortues endémiques, de l’or en barre, du bois de rose. À l’arrivée, des réfugiés, des immigrés, de possibles radicalisés. Mais, continuons de ne pas voir le contingent de barbus et de niqabs descendre de Turkish Airlines. Faisons toujours semblant de croire que le cours normal de la mondialisation est à l’alternative étroite entre le wahhabisme saoudien ou l’ayatollahisme iranien sinon d’autres choix plus ouvertement salafistes et plus explicitement jihadistes.
Surtout, ne changeons rien : que Madagascar demeure le maillon faible des contrôles aux frontières ; que les autorités malgaches ne s’émeuvent surtout pas de l’amplification du curseur halal ; que le ministère des cultes laisse se multiplier les mosquées informelles ; que personne ne lise l’analyse de Mathieu Pelerin (Gérer l’héritage de la Transition, Institut français des relations internationales, novembre 2014) : «Le chiffre de 160.000 convertis à l’islam pour la seule année 2013 est évoqué par des sources sécuritaires locales (…) Cette réislamisation, fondée sur le réveil des identités islamiques enfouies durant plusieurs siècles sur les côtes Nord-Ouest et Est, s’opère par différents vecteurs qui méritent une étude à part entière. Initiée dès 1994 par le Koweït via l’AMA (Agence des Musulmans d’Afrique), elle est aujourd’hui portée par divers pays, dont l’Arabie Saoudite, le Pakistan (via le Tabligh76) et la Turquie (via TIKA77) pour les Sunnites, et l’Iran et l’Inde pour les Chiites».
Pour la énième fois, je pose la question aux autorités malgaches : quel type d’Islam s’active sur Madagascar : celui qui refuse l’éducation aux petites filles comme le Prix Nobel Malala ? Celui qui impose le voile intégral aux femmes ? Celui qui a déjà bombardé les Bouddhas géants en Afghanistan et qui pousse le délire fanatique à vouloir s’en prendre aux pyramides des Pharaons en Égypte ? Ou celui d’une majorité trop silencieuse, qui aspire à vivre en paix avec le reste du monde, qui pratique sa religion sans histoires et qui n’a pas de prosélytisme à revendre ?

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Madagascar et l’Afrique

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Les Maures sont blancs, «bidan», les Africains sont noirs, «sudan». Il y a un réel racisme arabe à l’encontre des Africains. Dans un article, Jeune Afrique (17 mai 2016) relève que «la vision du Noir en Algérie, marquée par une discrète distance pendant des années, s’est transformée en rejet violent». Dans Le Monde (6 janvier 2015), une Africaine victime de racisme au Maroc raconte que dans ce pays, on aime dire «Le Maroc et l’Afrique». D’ailleurs, de 1984 à 2017, le Maroc n’était pas membre de l’OUA ou de l’Union africaine. Dans son livre «Le Chemin de Jérusalem», l’ancien secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros Ghali, écrivant à la fin des années 1970s, regrettait que son pays, l’Égypte, ait tourné le dos à l’Afrique, à la Nubie, à l’Abyssinie de l’ancien esclave Bilal devenu muezzin…
Le Maghreb est-il l’Afrique ? En 1989, année de l’adhésion de la Mauritanie à l’UMA (Union du Maghreb arabe qui associe le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie), des centaines de milliers de Noirs étaient «déportés» vers le Sénégal et le Mali tandis que 200.000 Maures furent accueillis en Mauritanie. Que des Arabes vendent des Africains aux enchères : il ne faut pas exagérément s’en étonner, surtout que l’Organisation internationale pour les Migrations en dénonce la pratique depuis des années.
L’émoi actuel est venu des images de la chaîne américaine CNN filmant ce marché aux esclaves africains en Libye. Et tout le monde fait semblant de crier que «nous sommes en 2017». Par contre, je ne comprends pas qu’une manifestation africaine ait été organisée dans les rues de Paris, en France. La vente des esclaves africains a lieu en Libye : n’est-ce pas là-bas qu’il fallait manifester plutôt que d’emmerder les Parisiens avec une histoire qui leur est étrangère ? Et, bien entendu, certains manifestants, dont sans doute des migrants illégaux, en ont profité pour invectiver la présidence française. Parce que des Africains quittent leur pays en proie à la guerre civile ou qu’ils fuient la misère provoquée par la mal-gouvernance de la cléptocratie au pouvoir en Afrique et parce que des Arabes vendent des Africains comme esclaves, ce serait la faute de la France ? Quelle rhétorique anticoloniale ou quelle jérémiade altermondialiste pourrait m’en expliquer la logique…
Dans la foulée, un pays africain, le Niger, demande que cette histoire arabo-africaine soit inscrite à l’ordre du jour du prochain Sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne (Abidjan, Côte d’Ivoire, 29 et 30 novembre 2017). Ou de l’énième fois où se pose la question de l’intérêt pour une île comme Madagascar de participer à cette association, qu’elle soit OUA ou UA. Une approche bilatérale, avec les États-Unis, avec la Chine, avec la Grande-Bretagne de l’après Brexit, privilégierait nos intérêts qui risquent d’être noyés par le flot d’incantations, de revendications et de récriminations qui ne nous concernent pas. Le panafricanisme n’est pas malgache. L’excision des femmes n’est pas malgache. La solde non versée aux troupes burundaises engagées en Somalie n’est pas malgache. Par contre, serait argent malgache la taxe de 0,2% sur «tous les produits éligibles» pour financer les «opérations de paix» en Afrique… Et qu’allons-nous nous égarer dans ces colloques sur les langues africaines alors que la linguistique a maintes fois démontré que la langue malgache est une langue austronésienne.
J’oubliais : Madagascar est une île.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

 

La politique africaine de Madagascar

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Il n’y a plus de «politique africaine de la France». C’est le message du président français Émmanuel Macron, en visite au Burkina Faso.
Certes, le président français a pris soin de personnaliser enfin la cinquantaine d’États que, jusqu’ici, on avait embrassé dans la globale et très vaste Afrique. Mais, qu’avait-il alors d’encore envisager une «Maison de la jeunesse africaine à Ouagadougou», capitale du Burkina Faso : existe-t-il seulement une seule et unique jeunesse AOF (Afrique occidentale française) ou AEF (Afrique équatoriale française) ? La jeunesse, qu’elle soit sénégalaise, gabonaise ou ivoirienne, vibre-t-elle vraiment comme un seul corps organique panafricain ?
Existe-t-il un Africain générique ? Existe-t-il un Européen standard ? Existe-t-il un Asiatique type ? Non. Pourquoi alors s’entêter à nier les particularités comme si nation était un gros mot. Il y a ce continent. Ces villes portuaires extraverties. Un arrière-continent introverti. Et des peuples, beaucoup de peuples, tellement de peuples, qu’on ne peut pas hâtivement généraliser. Et il y a nos îles.
Le discours de Ouagadougou se voulait de rupture. Mais, curieusement, on a l’impression qu’il s’adressait surtout au public des anciennes colonies françaises. D’AOF et d’AEF. Les auditeurs d’Afrique-Matin sur RFI. Depuis ma Grande île de l’Océan Indien, je ne me sentais nullement concerné que la Libye soit devenue le terminus de la migration transsahélienne ; que des Arabes du Maghreb vendent des Africains subsahariens à un marché aux esclaves ; qu’on s’interroge sur le sort du franc CFA ; qu’il faille applaudir ou pas les soldats français engagés dans ce Sahel tellement lointain, si étranger…
Quant à Thomas Sankara, le président burkinabé assassiné le 15 octobre 1987, hormis ses études à notre académie militaire d’Antsirabe, je ne vois pas trop ce qui en ferait une «icône africaine». Même continentale. Alors, depuis nos îles…
La littérature rappelle à l’envi le continuum géographique entre l’Europe et l’Afrique qui ne seraient guère séparées que par seulement 15 kilomètres de mer. Nous autres îles de l’Océan Indien nous trouvons plus exactement à des milliers de kilomètres. Le traitement différencié que nous demandons tient pour beaucoup à cette simple question de géographie. La COI (communauté de l’Océan Indien) est observateur à ce Sommet Union africaine -Union européenne de 2017. L’enjeu de ce travail de visibilité est de parvenir à imposer la spécificité des États insulaires dans le prochain partenariat entre l’Union européenne et les pays du Sud.
Depuis le début, en 1957, les relations entre l’Europe et les pays africains ont été biaisées par une intimité coloniale ancienne. Longtemps, la France d’un côté, la Grande-Bretagne de l’autre, ont entretenu le tête-à-tête hérité de la colonisation. La rhétorique anticoloniale, qui peut servir à certains d’excuse, de prétexte ou d’alibi, courrouce au mieux, nous aliène au pire, tous ces pays européens qui n’ont jamais été des puissances coloniales. L’Europe des six est devenue une Union européenne à 27 pays, dont les deux tiers n’ont jamais compté une seule colonie exotique.
L’Europe pourrait-elle se lasser un jour de financer l’Afrique ? Paradoxalement, ce serait la chance de voir des intérêts mieux ciblés recevoir une meilleure attention. Des demandes raisonnables plutôt que des attentes déraisonnables. Sortir du prêt-à-porter des programmes d’ajustement structurel, conférence nationale, commission électorale indépendante, etc. Et endosser le sur-mesure, bilatéral, sinon par groupes cohérents de pays réunis par des problématiques communes.
Comme États insulaires, notre souci est, par exemple, de maintenir une réactivité face à la piraterie maritime ou la pêche illégale dans nos eaux territoriales. Nos enjeux de sécurité sont plus globaux, sécurité alimentaire et sécurité sanitaire, et pas spécifiquement concernées par les opérations de paix qui, cependant, monopolisent l’essentiel des discussions dans ces rencontres trop multilatérales.
Dans son livre «In defense of the national Interest», Hans Morgenthau esquissait une typologie de la politique étrangère américaine. La démarche réaliste, acceptant le monde avec ses rapports de force, representée par Alexander Hamilton ; le courant idéologique, tenant compte de principes moraux mais ne fuyant pas la confrontation, représentée par Thomas Jefferson et John Quincy Adams ; la posture moraliste représentée par Woodrow Wilson. Et Hans Morgenthau de pointer quatre errreurs de la diplomatie de son pays : l’utopie, le légalisme, le sentimentalisme et le néo-isolationnisme. Et parmi les différentes variantes de l’utopie, le professeur de science politique cite le wilsonianisme, l’isolationnisme et l’internationalisme. Je me demande dans quelle catégorie ranger la politique africaine de Madagascar.

Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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